Autrefois dans notre village, chaque ferme, chaque maison avait son jardin. Domaine de la femme le plus souvent, il accueillait, des haricots ( pour la mountgetado), des choux (pour l'azinat ), des pommes de terre, des carottes, des navets, des oignons ( pour la soupe ). A la belle saison, nombreux étaient ceux qui allaient à la cueillette des pissenlits et des doucettes dans les prés avoisinants. Les simples, ces herbes condimentaires utilisées dans la cuisine, avaient leur place avec l'oseille, le thym, le persil… Elles étaient souvent installées au bord des allées pour être plus facilement cueillies.
Quelques fleurs venaient agrémenter le tout, telles que les roses; les gueules-de-loups
les œillets mignardise… Quelquefois, dans des pots ébréchés, la maîtresse des lieux cultivait amoureusement géraniums et fuschias. Elle les rentrait l'hiver pour les protéger de la froIdure. L'ensemble formait ce que beaucoup appelaient un "jardin de curé".
L'automne venu, l'homme de la maison bêchait le potager en prenant soin d' y incorporer un peu de fumier, histoire d'enrichir la terre. Puis madame travaillait la terre superficiellement pour installer les légumes à venir. Le désherbage se faisait à la main, avec une binette forgée par le forgeron du village. Cette dernière servait également à travailler la terre, entre les plantes, et à casser la croûte qui se formait sous l'effet du soleil. Chaque toit avait sa gouttière qui recueillait l'eau de pluie et la dirigeait vers des baquets en bois ou des tonneaux en" guelbée "( coupés en deux et ouverts ). Il suffisait d'y plonger un arrosoir pour assouvir la soif des légumes, durant l'été. Quand soleil et vent étaient de la partie, il fallait arroser chaque jour.
Dans presque tous les jardins, les allées étaient bordées de fraisiers, de framboisiers, de groseillers à grappes. Le pommier était partout, dans les jardins mais aussi dans les prairies et en bordure des champs. Poiriers et pruniers également se rencontraient souvent. Le cerisier, très apprécié, se concentrait dans certains endroits plus abrités.
Les paysans préféraient le plus souvent vendre leurs fruits aux gens de la ville pour arrondir leurs revenus. Mais certains conservaient les plus beaux fruits. Pommes et poires passaient l'hiver sur des clayettes en bois, entreposées dans un fruitier, ou, à défaut, au cellier ou au grenier.
Le jardinage est un métier qui exige art et savoir-faire. Il faut être architecte pour déterminer l'organisation et maîtriser le plan, sculpteur pour agencer la distribution de l'eau, peintre pour réussir l'équilibre de la palette colorée, et enfin gastronome pour choisir les meilleurs fruit ou légumes. Mais avant tout il faut être poète, car un jardin réussi doit posséder une âme.